De très grands progrès ont été faits dans la connaissance des mécanismes neurobiologiques, permettant une bien meilleure compréhension du fonctionnement psychologique. Les facteurs de vulnérabilité individuels et sociaux sont de mieux en mieux connus. Et cet ensemble permet de proposer des stratégies de prise en charge, comme une organisation du dispositif de soins de plus en plus performante. De nombreux médicaments sont également en train apparaître.
Toutefois la perception sociale et politique n’est pas à la hauteur de la gravité des problèmes. Et, si tous les acteurs sont en phase pour une réduction pragmatique des dommages, les politiques publiques sont insuffisantes sinon parfois contradictoires, car le plus souvent inspirées par des représentations idéologiques. Ce travail d’appropriation des connaissances scientifiques par la société, s’appuyant sur les associations de patients, nous parait être l’enjeu des prochaines années. Il sera nécessaire pour que les politiques puissent être plus efficaces.
On distingue classiquement deux types de dépendance : une dépendance psychique et une dépendance physique. Les symptômes en sont différents, et les traitements qui doivent être mis en place pour les soigner peuvent aussi varier.
« L’impossibilité de s’abstenir de consommer » Pierre Fouquet
La dépendance, qui se confond avec l’addiction, se traduit essentiellement par la dépendance psychique, plus cruciale que la dépendance physique : elle pousse à consommer à nouveau et mène à la rechute.
Il est commun de distinguer :
Les classifications internationales actuelles insistent sur l’approche dimensionnelle de l’addiction (DSM5) : le sujet présente une addiction plus ou moins grave, selon le nombre de symptômes présentés dans une liste de 11 items regroupant l’abus et la dépendance.
Les schémas ci-dessus illustrent le passage d’une classification en catégories d’usage (abus/usage nocif et dépendance) à une classification par gravité progressive (de modérée à sévère)
Un test a été mis en place, à partie de ces critères, pour évaluer la gravité de l’addiction.
Cette nouvelle approche, dimensionnelle, permet de justifier l’utilité d’interventions et de programmes de soins gradués, allant de la simple intervention brève à la prise en charge globale médicopsychosociale. Elle justifie également les stratégies thérapeutiques allant de la simple réduction de consommation à l’abstinence.
Nous ne sommes pas égaux face aux addictions. le risque d’en développer une est lié à une combinaison de facteurs sociaux et individuels, associés aux risques propres du produit. L’addiction est donc toujours une interaction entre les facteurs liés aux produits, à l’individu et à l’environnement.
La femme dépendante aux substances psychoactives dérange. Chez l’homme, déjà, l’addiction n’a pas bonne presse mais chez la femme, l’effet de stigmatisation se décuple.Il faut pourtant aborder la question si l’on veut être efficace en matière de lutte contre les conduites addictives. Les femmes sont les grandes absentes des structures de soins en addictologie.
L’addiction a les caractéristiques d’une pathologie chronique, d’installation progressive, avec une évolution émaillée de rechutes, et dont la survenue est déterminée par des facteurs de vulnérabilité.
Dans le processus addictif, les modifications progressives du comportement de consommation s’inscrivent progressivement dans le temps :
L’addiction a les caractéristiques d’une pathologie chronique, d’installation progressive, avec une évolution émaillée de rechutes, et dont la survenue est déterminée par des facteurs de vulnérabilité.
Dans le processus addictif, les modifications progressives du comportement de consommation s’inscrivent dans une temporalité :
On peut donc considérer schématiquement, avec P-V. Piazza, que ce processus se déroule en trois étapes :
De façon schématique, on pourrait ainsi considérer qu’il existe, à cette phase, deux grands sous-groupes de patients : – un premier groupe dans lequel on retrouve des facteurs de risque d’évolution vers la dépendance; dans ce groupe, la consommation intensive et répétée correspond à une phase préliminaire, souvent courte, de la dépendance qui en constitue l’évolution logique – un second groupe dans lequel les facteurs de vulnérabilité à la dépendance sont peu nombreux ; mais, à l’inverse, les facteurs d’environnement, d’entraînement sont présents. Dans ce groupe, le retour à une consommation contrôlée est beaucoup plus fréquent, notamment lorsque la pression à la consommation décroît (avancée en âge, installation en couple…) ou qu’une démarche de soin est entreprise (une plus grande efficience des interventions brèves dans ce sous-groupe est vraisemblable)
La consommation répétée entraîne des modifications cérébrales fonctionnelles et structurelles de plusieurs neurocircuits, dont ceux de la récompense mais surtout ceux impliqués dans la gestion des émotions, de l’humeur, de la motivation et des apprentissages pouvant affecter les habitudes comportementales et les capacités d’adaptation. Petit à petit, ces modifications changent les propriétés motivationnelles des produits : s’ils ont été pris initialement par plaisir, ils le sont ensuite essentiellement par besoin, avec d’importantes routines comportementales liées à des conditionnements, des automatisations et une perte de flexibilité cognitive.
Le nouveau répertoire comportemental est alors dominé par une perte progressive du contrôle, les consommations devenant fréquentes avec une incapacité à les limiter. Il s’y associe des pensées obsédantes vis à vis du produit, une recherche et une consommation compulsive avec un besoin impérieux (craving) de reproduire la sensation plaisante initiale mais surtout d’apaiser un mal être, la nécessité d’augmenter les doses pour retrouver l’effet initial, et la poursuite de cette consommation quelles que soient les conséquences sous peine d’une souffrance psychique voire physique. Ces modifications persistent même après un arrêt de longue durée, elles sont à l’origine des rechutes fréquentes et impliquent des processus relevant de perturbations de la mémoire.
Pour expliquer cette installation progressive de l’addiction, quatre grands mécanismes complémentaires, qui se déroulent et se renforcent parallèlement, sont nécessaires :
Chez le sujet addict, il y a une survalorisation de l’objet du désir. Sa valeur « récompensant » le souvenir de celle-ci entraîne une motivation majeure : le simple désir est devenu besoin. Le contrôle cortical, raisonnable, est trop limité pour tenir compte du contexte et des conséquences.
Ces quatre grands mécanismes complémentaires s’appuient sur quatre circuits qui interagissent et sont interconnectés :
Auxquels viennent s’ajouter, au fur et à mesure que la dépendance s’installe :
En situation normale, l’équilibre entre ces quatre circuits aboutit aux actions adaptées à notre situation émotionnelle ou de besoin. Le circuit de la récompense donne la valeur d’un besoin, celui de la motivation donne la valeur d’un besoin et répond aux états internes, celui de la mémoire met en jeu les associations apprises et celui du contrôle permet de résoudre les conflits. Chez le sujet normal, la décision d’entreprendre une action vers un but désiré tient compte de l’importance de la motivation pour cet objet, fonction de sa valeur de récompense, elle-même liée au souvenir du plaisir qu’il a entraîné précédemment. Mais, en fin de compte, c’est le contrôle cortical, préfrontal qui évaluera, en fonction du contexte et du désir anticipé et mémorisé, s’il convient d’agir ou de différer l’action.
En cas d’addiction, on assiste à un renforcement de la valeur du produit, aussi bien par la survalorisation du besoin (la saillance) que dans la motivation à s’en procurer, et à l’envahissement des circuits de mémoire avec déconnexion au moins partielle du circuit de contrôle inhibiteur exercé au niveau du cortex préfrontal par les associations corticales. Cela permet de mieux comprendre les attitudes psycho comportementales des sujets dépendants : le cerveau devient hypersensibilisé à la drogue et aux stimuli environnementaux qui lui sont associés, accorde beaucoup moins d’importance aux autres intérêts, objectifs et motivations devenus secondaires par rapport au besoin obsédant du produit.
Les informations qu’envoie tout le cerveau, valeur majeure de la récompense (nucleus accumbens), saillance majeure et donc motivation majeure (cortex cingulaire et cortex orbito frontal), mémoire exacerbée du plaisir (hippocampe) auquel se surajoute le craving (insula), sont devenues impérieuses, correspondant à un besoin perçu comme nécessaire, absolu et vital.
Tout le cerveau est désormais programmé pour reconnaître ce besoin comme primordial. Le contrôle « raisonnable » n’arrive plus à s’exercer, à contrebalancer ces informations de besoin majeur exigeant une action immédiate du cortex préfrontal pour le satisfaire.
Fonctionnement d’un cerveau non-addict (à gauche) et addict (à droite) :
⇒ Le cerveau addict n’est plus en mesure de choisir de consommer ou non le produit.
Sources : https://www.addictaide.fr/
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