Arrêt de l'alcool : les méthodes pour sortir de la dépendance

Avec six médicaments sur le marché ou en cours d’essai, la palette thérapeutique contre la dépendance à l’alcool n’a jamais été aussi large.

Arrêt de l'alcool : les méthodes pour sortir de la dépendance

Le baclofène a bousculé la prise en charge de l’alcoolisme. Jusqu’alors, le prérequis dans les services d’alcoologie était, le plus souvent, que le patient arrête totalement de boire. Il faut dire que l’efficacité des médicaments n'a pendant longtemps été mesurée qu'à l’aune de l’abstinence.

Or, beaucoup de personnes sous baclofène se détournent de l’alcool ou réduisent leur consommation, ce qui est donc bénéfique pour leur santé. C’est une réalité qui est aujourd'hui reconnue. Le baclofène est bel et bien remboursé dans le traitement de la dépendance à l'alcool dans le cadre d'une recommandation temporaire d'utilisation. C'est aussi le cas depuis peu d'un nouveau médicament, le nalméfène, autorisé en 2013 dans l’indication “réduction de la consommation d’alcool”.

Avec six molécules sur le marché ou en cours d’essai, la palette thérapeutique contre la dépendance à l’alcool n’a jamais été aussi large.

Le Dr Amandine Luquiens, addictologue, s’en réjouit : « Seulement 8 % des personnes en difficulté avec l’alcool ont accès aux soins. Certaines sont en rémission spontanée et s’en sortent seules. Mais il est possible aussi que les prises en charge proposées jusqu’à présent ne leur conviennent pas. Aujourd’hui, nous sortons du dogme de l’abstinence pour proposer une offre de soins plus large où le patient reste maître de ses choix. »

Reste que les médicaments ne font pas tout. Une prise en charge psychologique est toujours nécessaire en accompagnement.

Pour réduire sa consommation d'alcool

Le nalméfène

Ce médicament (vendu sous le nom de Selincro) a obtenu en 2013 une autorisation de mise sur le marché (AMM) européenne. Depuis le 19 septembre 2014, il est remboursé par la Sécurité sociale. Des médecins généralistes peuvent le prescrire.

Il doit être prescrit en première intention avant le baclofène, dans l'objectif de réduire sa consommation d'alcool.

Le nalméfène se prend “à la demande”, quand la personne sent qu’elle va se trouver confrontée à une situation à risque. Il diminue alors l’envie de boire et réduit le sentiment de satisfaction éprouvé au contact de l’alcool.

Le baclofène

Il a pendant longtemps été prescrit hors AMM puisqu’à l’origine il s’agit d’un produit contre les contractures musculaires. Le ministère de la Santé a confirmé en juin 2014 son remboursement dans le traitement de la dépendance à l'alcool.

Cette autorisation fait suite à la “recommandation temporaire d’utilisation” (RTU) qui lui avait été accordée en mars dernier dans les deux indications suivantes, après échec des traitements habituels :

 

  • aide au maintien de l’abstinence après sevrage chez des patients dépendants à l’alcool ;
  • réduction majeure de la consommation d’alcool chez des patients alcoolo-dépendants à haut risque.

Cette RTU encadre aussi la posologie, la durée du traitement, les contre-indications...

« Certaines données et le témoignage des patients montrent que le baclofène peut aider à devenir indifférent à l’alcool, observe le Dr Luquiens. Mais il a beaucoup d’effets secondaires : somnolence, vertigesmaux de tête, troubles de l’humeur... »Il est fortement déconseillé de conduire après avoir pris du baclofène.

En France, deux essais cliniques sont actuellement menés afin de mesurer précisément son efficacité. Les résultats sont attendus fin 2014.

 

 

La naltrexone

La naltrexone est, en principe, indiquée dans le maintien de l’abstinence. Mais une récente analyse montre qu’elle est surtout efficace dans la réduction de la consommation d’alcool.

Ce produit semble convenir plus particulièrement aux patients recherchant l’effet “récompense” de l’alcool.

A l’avenir, la naltrexone sera peut-être détrônée par le nalméfène, « qui est annoncé comme plus efficace et mieux toléré », selon le Dr Luquiens.

Pour rester abstinent

L’acamprosate

L'acamprosate est destiné aux patients qui veulent arrêter de boire. Il conviendrait surtout à ceux qui recherchaient dans l’alcool un effet anxiolytique.

« C’est un produit efficace, mais il peut provoquer des diarrhées, ce qui amène parfois à baisser la dose, voire à arrêter le traitement », observe le Dr Luquiens.

Le disulfirame

Consommé avec de l’alcool, le disulfirame provoque des effets indésirables très gênants (rougeur, tachycardie, nausée, maux de tête...) qui peuvent mener jusqu’au malaise. Ses effets sont donc controversés.

L’oxybate de sodium

L'oxybate de sodium (vendu sous le nom d'Alcover) est aujourd’hui à l’étude en France. Ce dérivé du GHB a été utilisé à forte dose comme “drogue du viol” car il provoque des pertes de mémoire. Dans l’alcoolisme, les doses sont plus faibles.

« En 2010, souligne le Dr Luquiens, une revue de la littérature scientifique a montré qu’il est plus efficace que la naltrexone et que le disulfirame dans le maintien de l’abstinence ».

Une demande d'autorisation de mise sur le marché européen va être déposée en novembre 2014.

__________________________________

*** source : " Santé Magasine" ***