Faut-il être définitivement abstinent pour se libérer de l’alcool  ?

Lorsqu’on a été dépendant de l’alcool, peut-on revenir à une "consommation contrôlée" ? Les réponses du Dr Fatma Bouvet de la Maisonneuve.

Faut-il être définitivement abstinent pour se libérer de l’alcool ?

C’est une question que tous les patients posent, mais qui est très débattue. Pour les associations d’anciens buveurs, la "consommation contrôlée" est un leurre. Personnellement, j’ai vu beaucoup de déceptions.

La consommation contrôlée, c’est-à-dire un retour à une consommation normale sans conséquences sur la santé, n’est pas envisageable chez tous les patients. Tout dépend du degré de sévérité de la maladie alcoolique et du diagnostic.

Certaines consommations d’alcool sont concomitantes d’un événement (une dépression, un deuil…) mais ne relèvent pas d’une réelle dépendance alcoolique. Cette situation n’a pas la même valeur diagnostique que pour une personne qui se présente avec une consommation d’alcool ancienne. En moyenne, les patients viennent après une quinzaine d’années d’évolution.

L’expérience montre que, lorsqu’on est réellement dépendant, s’arrêter progressivement nécessite plus d’énergie et engendre une plus grande souffrance que de ne plus boire du tout, c’est-à-dire de ne jamais recommencer. Lorsque le "craving", l’envie irrépressible de boire, est très fort, on ne ne peut pas promettre le retour à une consommation contrôlée parce que, justement, l’envie est incontrôlable.

Il en est de même dans les tableaux dipsomaniaques, c’est-à-dire lorsque les personnes ne peuvent plus s’arrêter de boire dès qu’elles touchent à l’alcool. Un tableau fréquent chez les femmes. Dans ce cas, il est très douloureux de devoir se limiter à un seul verre. Ne pas y toucher du tout est, en réalité, plus facile.

Lorsque, néanmoins, le patient envisage une consommation contrôlée, il faut l’aider en s’appuyant sur des traitements qui diminuent l’envie de boire et sur l’éducation thérapeutique. On lui explique comment reconnaître le moment où sa consommation redevient régulière. Le piège serait, en effet, que cette consommation contrôlée cache une rechute insidieuse et progressive.

Les patients doivent être conscients qu’ils resteront fragiles toute leur vie face à l’alcool. Je pense à une personne que je suis depuis deux ans. Au début, elle prenait trois verres de whisky tous les soirs, dans un contexte familial terrible. Elle a eu envie d’arrêter et a réduit sa consommation à un ou deux verres par jour. Lors de notre dernière rencontre, j’envisageais de parler avec elle de consommation contrôlée. Mais elle m’a répondu qu’elle était en train de revenir à trois ou quatre verres.

Les "consommations contrôlées" sont donc à surveiller de très près. Il faut savoir que 20 à 30 % seulement des personnes qui sont devenues abstinentes réussissent à boire une fois de temps en temps, sans retomber dans la dépendance.

Des médicaments comme le baclofène ne sont que des béquilles. Prescrits en début de sevrage, ils peuvent aider à réduire sa consommation d’alcool. Mais, en réalité, c’est la volonté d’arrêter qui compte le plus.

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 *** source: " Santé Magasine" ***